Printemps /2020

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édito
Et pourtant, elles font la ville !

S’ils ont dû être revus, adaptés pour certains, modifiés pour d’autres, les contenus de ce numéro de Place publique Nantes/Saint-Nazaire n’ont pas tous subis l’influence du Covid-19: son dossier, «Ces femmes qui font tourner la ville», a été décidé par le comité de rédaction voilà des mois. Avec la volonté de montrer et raconter, aujourd’hui et dans l’histoire, ces femmes essentielles à la vie quotidienne de la cité bien avant qu’avec l’épidémie nous ne (re)découvrions le rôle majeur et indispensable de celles mobilisées «en première ligne» – aides-soignantes, infirmières, femmes de ménage, caissières, enseignantes… –, bien souvent, trop souvent, mal payées en retour.

Dans la sphère des politiques publiques, l’égalité femmes-hommes relève d’une construction lente, aux facteurs multiples: maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris 13, Gwenaëlle Perrier retrace le cheminement emprunté par les droits des femmes. Elle souligne ainsi combien la mobilisation de mouvements féministes sur le temps long de l’histoire, les impulsions données par l’Europe et des collectivités locales et territoriales pleinement impliquées et mobilisées favorisent la promotion de cette égalité. L’universitaire souligne encore combien villes et collectivités s’investissent aujourd’hui dans la lutte et la prise en charge des violences faites aux femmes.
Incarner, montrer, dire
: de «Ces femmes qui font tourner la ville», nous avons voulu vous montrer des visages et vous raconter des parcours et des engagements. Alors voici Fatoumata, Bernadette, Cécile, Isabelle, Danie et Mélanie, toutes singulières et qui, toutes, apportent à la ville au quotidien et en composent la mécanique.
Elle est un autre visage, discret, de la cause des femmes à Nantes au 19
e siècle: protestante, laïque et républicaine, Floresca Guépin fut la femme d’un «grand homme», le médecin Ange Guépin. Si elle exerça une influence certaine sur ce dernier, elle fut aussi ouverte aux idées féministes de l’époque, ce qui l’amènera à créer en 1870 une école professionnelle pour jeunes filles. L’historien Didier Guyvarc’h nous dresse son portrait.
Les quartiers prioritaires ont-ils un impact sur les relations entre filles et garçons
? Qui trouve-t-on à la tête des clubs sportifs, des présidents ou des présidentes? «Dragues importunes», harcèlement, insultes… De quelles violences les femmes sont-elles victimes dans l’espace public? À partir de la documentation réunie pour confectionner ce dossier, nous avons extrait des chiffres et données qui donnent à voir combien les inégalités entre hommes et femmes, le sexisme et les violences perdurent.
L’égalité professionnelle et salariale n’est pas pour demain, peut-être après-demain au prix d’un effort… Temps plein contre temps partiel, rémunérations plus élevées pour les hommes – qui, en Loire-Atlantique, gagnent en moyenne 3,60€ brut de plus par heure que les femmes; un écart qui peut grimper jusqu’à 8,70€ dans le secteur des activités financières et d’assurance…: Jessica Beauguitte et Barbara Caroff, de l’Agence d’urbanisme de la région nantaise (Auran), proposent une représentation graphique de ces inégalités au travail. Gildas Fouasson et Florentin Joguet, de la direction prospective du Département de Loire-Atlantique, nous dessinent, eux, la géographie du travail des femmes, les emplois étant aujourd’hui majoritairement féminins dans près d’une commune sur deux du département.
Professeure à Polytech Nantes – la seule à l’école d’ingénieurs –, Pascale Kuntz est aussi chargée de mission égalité femmes-hommes pour l’université
: avec des étudiantes plus nombreuses que les étudiants et des personnels d’abord féminins, le profil statistique pourrait sembler de bon aloi. Mais ces personnels féminins sont aussi… les moins payés! Pascale Kuntz nous explique dans sa contribution comment elle met en œuvre sa démarche, avec des moyens réduits et en faisant parfois face à des diktats tombés d’en haut, comme lorsqu’une direction du ministère lui a expliqué, au sujet d’un texte réglementaire, que «le masculin est une forme neutre».
«
Où sont les femmes?», s’interroge l’historien Didier Guyvarc’h: il a recensé les noms de rue et d’établissements scolaires, les monuments, qui témoignent d’une manière flagrante de la place réduite symboliquement accordée aux femmes dans l’espace public. Avant que la parité ne soit aussi de mise sur les plaques de rue et au frontispice des écoles, collèges et lycées, les «hommes illustres» peuvent dormir sur leurs deux oreilles!
Espace public encore, avec Philippe Guillotin, ex-directeur de l’Agence d’urbanisme de la région nantaise
: il nous raconte comment nos villes ont d’abord été conçues par les hommes pour… les hommes. L’incarnation d’une vision traditionnelle: l’extérieur pour les hommes, l’intérieur, le domicile et les tâches afférentes, pour les femmes. Une inégalité que des initiatives commencent à gommer en essayant de favoriser des espaces publics mieux partagés.
Histoire sociale avec les «
filles de Chantelle» à Saint-Herblain: à plusieurs reprises au fil des années, ces ouvrières d’une usine de lingerie se sont engagées dans des conflits sociaux pour défendre leur emploi et obtenir de meilleures conditions de travail. Elles ont su jouer sur divers registres pour assurer la visibilité de leurs colères et réunir un soutien populaire. Mais elles se sont aussi inscrites dans un «ordre masculin» du monde ouvrier, nous raconte la sociologue Eve Meuret-Campfort qui leur a consacré sa thèse de doctorat.
Historienne et sociologue, Dominique Loiseau nous livre la chronique d’un «
féminisme ordinaire» à Saint-Nazaire, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Celui de femmes, souvent compagnes d’ouvriers, qui en s’engageant dans des associations proches du catholicisme social ou du Parti communiste, ont aussi agi pour leur propre émancipation.