été 2017

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édito
Place publique, dix années de récit
de la métropole et une nouvelle formule

Revue urbaine avec la volonté de regarder la métropole Nantes/Saint-Nazaire sous toutes les coutures et de la raconter dans ses transformations comme dans son histoire, Place publique est née voilà dix ans et quelques mois. Nous mettons à profit cet anniversaire pour vous proposer une nouvelle formule de votre revue, avec une maquette revisitée et une nouvelle fréquence de parution : vous nous retrouverez maintenant tous les trois mois, avec des numéros scandant les saisons.

Ce n’était pas son objectif initial, mais avec le recul et après la publication de soixante-deux numéros, Place publique Nantes/Saint-Nazaire peut aussi s’enorgueillir de porter un regard encyclopédique sur la métropole et l’estuaire: en dix années, nous leur avons consacré près de 10 000 pages, traitant aussi bien de ces Nantais venus d’ailleurs que de l’étalement urbain; du chaud printemps de 1968 que de Julien Gracq qui venait de disparaître; de l’utilité des architectes que du rapprochement entre Nantes et Rennes; du Voyage à Nantes que des relations entre la métropole et le muscadet; de la Loire que de la rénovation urbaine… N’oublions pas un sujet «récurrent» dans ces colonnes, celui d’un projet d’aéroport dans une petite commune, Notre-Dame-des-Landes – et d’ailleurs, à ce propos, alors que le gouvernement vient de missionner un trio de médiateurs, vous pouvez utilement relire le dossier publié dans le numéro # 57 de la revue (mai-juin 2016), intitulé «Notre-Dame-des-Landes: pourquoi tant de bruit?», chacun de ses mots demeure d’actualité.
Après avoir écouté nos lecteurs et échangé avec eux, nous avons estimé que le passage du cap des dix ans était aussi le bon moment pour nous réinventer sans tout bouleverser.
Place publique, votre revue, entend donc demeurer fidèle à sa ligne éditoriale: raconter la métropole Nantes/Saint-Nazaire sous tous les angles, en croisant les regards, qu’ils viennent de la région comme d’ailleurs; prendre le pouls de la ville et de ses mouvements pour en mesurer les changements.

L’AMI AMÉRICAIN

Cette transition s’incarne dans la couverture de ce numéro d’été, avec ce dessin intitulé «
Le Rire!! » représentant le visage hilare d’un Sammy, un de ces soldats américains envoyés se battre en Europe voilà cent ans, un moment clé de l’histoire de la Première Guerre auquel nous consacrons le dossier de ce numéro. Ce dessin inédit, découvert récemment dans des archives familiales à Nantes et qui a depuis rejoint une collection privée, a une histoire: lui aussi est centenaire, puisqu’il est daté du 24juin 1917. Il s’agit peut-être du premier dessin représentant un soldat américain alors même que le corps expéditionnaire envoyé par le président Wilson n’avait pas encore commencé à débarquer à Saint-Nazaire, porte d’entrée de ces soldats en France puisque les premiers boys ne poseront le pied sur les quais que deux jours plus tard. Il est signé «JTH», les initiales de Jacques Tristan Hylar, le pseudonyme de Jacques Vaché, ce jeune Nantais disparu d’une surdose d’opium à 23 ans et devenu icône de la geste surréaliste par la grâce de sa rencontre en 1916 avec André Breton, le fondateur du mouvement littéraire. Ces prémices du surréalisme, nous les racontions dans notre numéro # 62 et le choix de cette couverture pour notre nouvelle formule témoigne aussi d’une volonté de continuité sur le fond.

«
Le Rire!! » donc – Jacques Vaché avait d’abord titré ce dessin «Le sourire», comme le laisse deviner la trace de ce premier mot effacé sous le titre définitif –, comme une incarnation de l’espoir suscité par l’engagement du corps expéditionnaire américain dans le premier conflit mondial. Cet engagement «porté» par le président américain Wilson, l’historien Justin Vaïsse, qui est aussi directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires étrangères, en précise le contexte dans un entretien et revient sur les relations entre la France, l’Europe et les États-Unis, leurs hauts et leurs bas, jusqu’à l’accession au pouvoir de Donald Trump.
Ce numéro donne ensuite un coup de projecteur sur le débarquement des
Sammies à Saint-Nazaire et ce qu’ils ont «fait» à la ville: Tiphaine Yvon et Erwan Le Gall, de l’Écomusée de Saint-Nazaire, nous le racontent au fil d’images tirées des archives qui nous montrent également ce que fut le quotidien et comment Saint-Nazaire et sa région en furent transformées. Nous faisons ensuite escale à Savenay, où le géographe Jean-Yves Martin nous dresse le portrait d’un étonnant soldat-reporter, Alexander Woolcott qui y fit deux séjours et en garda des souvenirs mémorables. Nous évoquons également à cette occasion l’importance de l’hôpital militaire américain implanté à Savenay.
L’historien Didier Guyvarc’h examine ensuite la nature de la rencontre entre les populations de la Basse-Loire et les soldats Américains. Conclusion
: elle est demeurée très superficielle et les illusions des premiers temps ont souvent laissé la place aux… désillusions. D’une guerre à l’autre: l’autre historien du comité de rédaction de Place publique, Alain Croix, commente une série de photos des Archives municipales de Nantes qui illustrent la présence américaine dans la ville lors de la Grande Guerre, mais aussi les bombardements des avions américains sur Nantes en septembre1943.

Car en vous proposant ce dossier consacré au centenaire de l’arrivée des Américains, nous avons aussi voulu regarder les relations entretenues par la Basse-Loire avec les États-Unis sur la durée. Alain Croix nous livre donc trois courts récits qui en montrent la diversité
: celui d’un maraîcher de Doulon qui s’est exilé au Tennessee au 19e, reconstitué à partir des lettres envoyées à sa famille; la «fâcheuse méprise» qui, en 1919, a coûté la vie à un Nantais, soldat démobilisé originaire de la Guadeloupe, abattu par un policier militaire américain qui, officiellement, l’avais pris pour… un déserteur; enfin, il nous raconte la visite à Nantes d’un des pères fondateurs des États-Unis, Benjamin Franklin, à la fin de l’année 1776 durant laquelle il fut surtout question d’intérêts commerciaux et de trafics divers avec les milieux négriers.
Retour à la guerre, la Deuxième cette fois
: Didier Guyvarc’h s’est intéressé à la mémoire complexe des bombardements américains de septembre1943 qui firent 1 500 victimes à Nantes. Puis nous remontons le cours du temps avec le journaliste Jacques Le Brigand qui questionne le désintérêt de Nantes pour une figure du 19e siècle, celle d’Audubon, immense ornithologue révéré aux États-Unis, le dessinateur remarquable des Oiseaux d’Amérique, qui a passé ses années de jeunesse au bord de l’estuaire.
Le saviez vous
? Une des deux collections de poésie américaine contemporaine publiée en France est éditée à… Nantes – par Joca Seria, qui assure aussi la direction artistique de Place publique et signe sa nouvelle formule. Le directeur de cette collection, Olivier Brossard, nous dit qui sont ces poètes qui ont su casser les codes du formalisme. Enfin, nous terminons ce dossier avec les mots d’élèves de la section internationale américaine du lycée Nelson-Mandela de Nantes. Ils nous disent leur regard sur l’Amérique d’aujourd’hui, celle des lointains descendants de jeunes Américains qui, voilà cent ans, ont débarqué à Saint-Nazaire.