Sommaire #4

feuilleter le #4

(le #4 est épuisé)
Place publique #4
------------------------

Dossier :
Île de nantes : une ville se construit sous nos yeux


À l’autre bout de l’estuaire,
l’exemple de Ville Port

Résumé > Le projet Ville Port est, à l’autre bout de l’estuaire, le symétrique et le correspondant du projet Île de Nantes. Initié avant Île de Nantes, il a dû affronter les mêmes problématiques. Entre les équipes qui conduisent les deux projets, de nombreux liens se sont tissés. Si chaque projet a ses enjeux propres, ils participent d’une même ambition, qui est de réconcilier la métropole Nantes / Saint-Nazaire avec son fleuve.

Le projet de rouvrir la ville sur son port remonte aux années 1980 et a été une des options fortes du Projet global de développement de la ville de Saint-Nazaire, en 1989. Le port était pourtant la raison même de l’existence de Saint-Nazaire, ville créée en 1850, sur décision impériale, pour devenir le port avancé de Nantes. Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, Saint-Nazaire a été un port de commerce prospère, tête de ligne des transatlantiques vers l’Amérique Centrale. La ville vivait autour de son port. Les principaux équipements publics, la gare et les rues principales, donnaient sur les quais. La guerre a changé la donne. Elle a laissé, au cœur d’une ville complètement détruite, un gigantesque bloc de béton de 400 000 m3, la base de sous-marins, qui la séparait physiquement et psychologiquement de son port. Chargé de reconstruire Saint-Nazaire, l’architecte Noël Le Maresquier porta le coup de grâce, en dessinant un plan fonctionnel qui séparait, par une double coupure verte et industrielle, la ville de son port.
En 1994, la Ville a lancé un concours de stratégie urbaine, portant sur les territoires délaissés situés entre le centre ville et les bassins portuaires, avec un triple objectif : réorienter la ville reconstruite vers son port ; reconquérir le quartier portuaire en jouant la mixité des fonctions urbaines, touristiques, culturelles et économiques, surmonter l’obstacle de l’ancienne base de sous-marins

L’émergence d’un quartier portuaire
La première phase opérationnelle du projet Ville Port, conduite avec l’architecte urbaniste Manuel de Solà Morales, a permis d’enclencher la dynamique de reconquête des friches portuaires, notamment par la réalisation d’espaces publics structurants, l’accueil de nouvelles activités, la création d’équipements touristiques et de loisirs, le développement d’animations culturelles et nautiques, la programmation et la réalisation d’habitats…
L’ancienne base, par sa position stratégique et historique, a été désignée comme l’élément clé du projet. Pour permettre à la ville de rencontrer à nouveau l’eau des bassins et de l’estuaire, elle a été à la fois percée, et rendue accessible, sur son toit, par une rampe. Son intérieur a été ouvert et domestiqué. Mise en scène sur le quartier, elle est devenue la porte d’entrée de la nouvelle destination de loisirs portuaires.
En cinq ans, de 1996 à 2001, le quartier a connu une profonde mutation : réhabilitation de la base sous-marine, construction de 350 logements, implantation de nouvelles activités (équipements touristiques, multiplex cinéma, commerces, bureaux…). Toutes ces actions ont contribué à métamorphoser l’image de Saint-Nazaire et à accompagner la politique de diversification économique, notamment autour du tourisme. Avec un million de visiteurs accueillis chaque année, Ville Port est devenu une véritable destination touristique et culturelle, en même temps qu’un quartier portuaire en devenir.
L’ampleur du projet (un budget de 70 millions d’euros pour la phase 1), et, surtout, sa force d’entraînement a permis de l’identifier, comme un des grands projets métropolitains, et de lever de nombreux concours financiers publics et privés. Ville Port a été explicitement cité dans la Directive territoriale d’aménagement, en symétrie avec le projet Ile de Nantes.

Un nouveau centre ville
En 2002, sur la base de ces acquis, la Ville de Saint-Nazaire a engagé la seconde phase du projet. Une étude de définition a permis de définir, avec l’aide de l’urbaniste italien Bernardo Secchi, une stratégie de développement en trois grandes étapes : 2008, 2010 et 2013.
Aujourd’hui, le programme d’actions pour 2008 est en phase de réalisation. Il comporte une quinzaine d’opérations réparties en quatre grands volets : un programme d’équipements publics, visant à faire de Ville-Port un pôle culturel à l’échelle métropolitaine ; un programme d’activités économiques ; un programme de logements privés et publics ; un programme de requalification des espaces publics.
L’objectif est de créer à Ville Port, un pôle de référence pour les activités culturelles, avec une audience susceptible de dépasser le cadre de l’agglomération. Les principaux équipements venant s’ajouter aux cinémas et au musée Escal’ Atlantic (implantés au cours de la phase 1) sont :
- Le LiFE et le VIP dans les alvéoles 14 et 13 de la Base sous-marine. Le LiFE, Lieu international des formes émergentes, est un nouvel outil culturel consacré à la création et à la diffusion de formes artistiques contemporaines. La capacité de la salle (2 000 places debout) en fait un complexe d’accueil unique à l’échelle de la région nazairienne. Le VIP est la Salle des musiques actuelles d’une capacité de 600 places. Ces équipements ont été inaugurés en avril 2007.
- Un nouveau théâtre municipal, de 900 places, qui accueillera la Scène Nationale sur le site de l’ancienne gare. La livraison est prévue en 2011.
- Une Maison des associations, Agora 1901, qui a été livrée en juin 2006.
De son côté, le centre commercial Ruban Bleu, qui ouvrira au printemps 2008, répond à une double ambition économique et urbaine. Il vise à enrichir l’offre de la ville centre, avec 18 500 m 2 de surface de vente supplémentaires limitant ainsi l’évasion commerciale. Il a aussi pour but de structurer le centre ville en créant une place commerciale de référence et en reliant les deux pôles d’attractivité : le Paquebot, ce centre commercial déjà existant, et la Base sous-marine. Les travaux démarrés en juin 2006 s’achèveront en 2008.
À proximité de ce centre, un hôtel trois étoiles et un complexe de loisirs et de restauration viendront compléter le dispositif d’animation commerciale, financé essentiellement par l’initiative privée.
Cinq cents nouveaux logements locatifs ou en accession seront construits par des opérateurs immobiliers privés et par l’OPAC. Ils permettront de conforter l’objectif de mixité urbaine visé dès l’origine par le projet. Le centre doit être un quartier habité, et pas seulement une destination touristique ou commerciale.
L’ensemble du projet est tenu par un investissement très lourd sur l’espace public. C’est lui qui tisse le lien entre les investissements publics et privés, et donne au lieu son esprit. Au total, ce seront plus de 60 000 m2 d’espace public qui seront requalifiés d’ici 2008.
Par rapport à la première phase du projet, la montée en puissance de l’investissement privé est significative : il représente 107 millions d’euros sur les 180 millions investis au cours de la deuxième phase. Quant aux 500 nouveaux logements ils permettront d’accueillir 1 100 habitants supplémentaires dans le quartier. Le projet devrait par ailleurs permettre la création d’environ 500 emplois.

Ressemblances et différences
Ville Port et l’Île de Nantes sont deux projets qui présentent de très nombreuses similitudes. Ils s’appliquent à des territoires historiquement liés par un destin industrialo-portuaire. Ils procèdent de la même volonté de « faire de la ville » et d’« ouvrir la ville sur l’eau ». Ils accordent une part très importante à l’espace public dans la stratégie. Ce sont des projets fortement dessinés et structurés, avec le concours d’urbanistes de talent. La mixité des activités, le rôle important accordé aux activités culturelles dans la stratégie de mutation sont également des points très forts. L’activité culturelle y est conçue comme un vecteur de réappropriation de l’espace.
Sur le plan de la méthode aussi, il existe de nombreuses similitudes. Ces projets sont conduit par des équipes indépendantes des structures communales (Samoa à Nantes, Addrn à Saint-Nazaire) et s’appuient sur des apports extérieurs de haut niveau.
Le projet Ville port se distingue cependant d’Île de Nantes sur plusieurs points, outre l’échelle financière et spatiale :
- Il est plus central, et donc plus essentiel pour la stratégie de la ville. L’ensemble Ville port – Paquebot, relié par Ruban Bleu formera, dans un an, le nouveau centre de Saint-Nazaire, un « cœur carré » de 100 hectares.
- La zone active du projet est plus compacte (20 hectares pour la phase 2 de Ville port, contre 350 pour Île de Nantes)
- La marge de manœuvre de la Ville est plus réduite, ce qui impose une plus grande sélectivité dans le choix des opérations.