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129000 réfugiés
d’Asie du Sud-Est accueillis


Après avril
1975 – le 17, Phnom Penh est aux mains des Khmers rouges; prise de Saigon par les forces nord-vietnamiennes le 30 –, nombre de Cambodgiens et de Vietnamiens fuient leur pays. Ces réfugiés et boat people – qui, souvent, sont la proie de passeurs  – trouvent d’abord refuge dans des camps installés en Thaïlande, aux Philippines, à Hong Kong… Puis ils sont ensuite réinstallés dans des pays tiers: c’est ainsi qu’entre1975 et1990, la France accueille près de 129 000 réfugiés du Cambodge (environ 50 000), du Vietnam et du Laos. Si dans les premières années, ces réfugiés cherchaient d’abord à échapper au communisme, la misère et la faim ont motivé le départ de nombreuses familles vietnamiennes dans la deuxième moitié des années 1980 alors que le soutien de l’Union soviétique à la République démocratique du Vietnam s’amenuisait.

Place publique # 61

DOSSIER : ACCUEILLIR LES RÉFUGIÉS

UNE BOAT PEOPLE PARTIE DU VIETNAM DANS LES ANNÉES 1980

« La France, pour moi,
un pays comme les autres »

PROPOS RECUEILLIS
PAR
NGUYÊN THUY HUONG

JOURNALISTE
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Plusieurs centaines de milliers de Vietnamiens ont quitté leur pays après la prise de Saigon par le Nord-Vietnam communiste en avril 1975. Comme nombre de pays tiers, la France les a accueillis sans compter : récit d’une arrivée en France et d’une installation à Nantes par une de ces boat people.

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Avec la «Tante Bay», professeur à la faculté de médecine de Nantes, qui l’entraînait à parler français.

«Ma mère aurait sans doute pu donner plus de détails que moi, mais pour elle, ce sont des souvenirs à oublier, à ne pas garder en mémoire et surtout à ne pas raconter. C’était le 17mai 1988, un mardi. Je suis montée sur un petit bateau de pêche avec ma mère, mon père, un cousin, mon petit frère et ma petite sœur. J’avais alors 11 ans, mon père 38 ans, ma mère 34 ans, mon cousin 14 ans, mon frère 9 ans et ma sœur 5 ans. Mes parents ont payé le propriétaire du bateau avec de l’or, car à l’époque, c’était la seule “monnaie” pour ce genre de “voyage”. Il faisait nuit noire. Il y avait déjà une trentaine de personnes sur le bateau. Nous l’avons pris à Cat Ba, une île du nord du Vietnam, un peu au-dessus de la baie de Halong. Nous sommes partis au large comme ça. Nous ne pouvions que confier notre vie au propriétaire du bateau…
L’embarcation s’est dirigée vers le nord, vers Hong Kong. Le voyage a duré vingt-sept jours. Les flots avec lesquels j’ai cohabité pendant presqu’un mois m’ont hanté des années durant ensuite. Le fait de me sentir toute petite en pleine mer, que je ne voyais que de l’eau autour de moi, me terrifiait. Tellement peur qu’une fois, bien après m’être installée en France, des années après, je me suis enfuie de chez une copine qui habitait au bord de la mer et chez laquelle j’avais été invitée pour une soirée.
Quel souvenir désagréable pendant ce voyage
? La faim. Le stock de riz était quasiment terminé. Ma mère commençait à nous donner de la soupe de riz au lieu du riz seul, l’idée était d’essayer de lutter contre la faim en attendant de pouvoir débarquer quelque part. Nous avons eu faim. J’ai eu faim. Au moment où le stock d’aliments était presque épuisé, la chance nous a souri. Un bateau de Hong Kong nous a repérés. Après nous avoir recueillis, ils ont détruit notre petit bateau de pêche. Nous avons débarqué à Hong Kong le 13juin 1988. Là aussi, la chance nous attendait encore une fois car trois jours après, le 16juin 1988, les boat people n’ont plus eu le droit au statut de réfugiés.

Un an et demi à Hong Kong
Nous sommes restés dans le camp de réfugiés de Hong Kong pendant un an et demi, en attendant qu’un pays tiers nous accueille. Pendant ce temps-là, les enfants avaient le droit à des cours de vietnamien et d’anglais, alors que mes parents travaillaient. D’abord, ma mère a fait fermenter des feuilles de moutardier, un aromate apprécié par les Asiatiques, comme du cornichon ici, pour vendre aux autres réfugiés. Mon père a travaillé à la cantine pour distribuer les assiettes et les plats pendant les repas. Après, mes parents, comme la plupart des autres exilés du camp, ont travaillé dans les usines de coton. Il s’agissait d’un travail offert par le camp de réfugiés et cela nous a permis de gagner un peu d’argent, même modestement, de quoi couvrir nos besoins quotidiens.
En partant du Vietnam, nous n’avions ciblé aucun pays comme destination. Comme mon père avait une tante mariée à un Français et vivant à Brest, il a dû mettre ce détail dans le dossier de demande de statut de réfugié. La France a donc donné le feu vert à notre dossier et le 29
novembre 1989, nous sommes partis pour notre deuxième voyage, cette fois ci en avion et en direction de Paris. Je n’avais aucune idée de là où j’allais arriver, la France, pour moi, était un pays comme les autres…
À l’arrivée, un représentant nous attendait à l’aéroport et nous a emmenés au Centre d’accueil des migrants dont je ne me souviens plus le nom. Comme nous étions six personnes, trois chambres nous ont été octroyées. Les repas quotidiens nous ont été offerts à la cantine du Centre. Nous avons également découvert Paris, des visites organisées par le Centre. Là bas, j’ai mangé mon premier repas de Noël qui n’était pas une fête traditionnelle au Vietnam. Nous sommes restés deux mois à Paris avant de partir pour Nantes. Pourquoi Nantes
? Je n’en sais rien. Le hasard? Ou parce que Nantes n’est pas trop loin de Brest où la tante de mon père vivait? On n’en sait rien. Les premiers jours ici, nous avons été logés dans un foyer de trois chambres du centre d’accueil de migrants du Pin-Sec. La cuisine était partagée avec les autres migrants. Les premiers jours, comme nous ne parlions aucun mot de français, deux bénévoles vietnamiennes francophones nous ont aidés pour les traductions et nous ont emmenés faire tous les papiers nécessaires, par exemple ouvrir un compte bancaire, se déclarer, etc.
Nous avons reçu des aides de la Ville de Nantes qui nous ont permis de couvrir nos dépenses quotidiennes. Notre endroit préféré pour faire les courses était le marché en plein air de la Petite-Hollande. Ce dernier n’a pas changé depuis que je le connais, toujours autant de monde et avec un côté un peu désordonné. Nous y avons trouvé quelques commerces asiatiques qui vendaient des épices, des herbes et des légumes vietnamiens. Et c’était parfait.
Au centre du Pin-Sec, mes parents ont suivi un cours de langue française et nous, les enfants avons été par contre envoyés à l’école. J’avais 12 ans et on m’a mise au CE1 pendant trois mois, puis au CE2 pour les trois mois suivants, encore trois mois pour le CM1 et j’avais besoin encore d’un autre cycle de trois mois pour finir le programme du CM2. Nous sommes restés au Pin-Sec pendant presqu’un an.
Après la Ville de Nantes nous a octroyé un appartement dans une Hlm. Je me souviens, nous avons fait des courses pour notre “nouveau nid” chez Emmaüs. J’ai encore gardé une casserole achetée chez Emmaüs comme souvenir. Une fois installés dans cet appartement, nous devions désormais nous débrouiller par nous mêmes. La Ville n’a pas coupé son aide financière au profit de ma famille. Bien installés dans le nouveau logement, j’ai été de nouveau “grande sœur” encore deux fois en
1991 et1992. Mon père avait trouvé un boulot dans un restaurant vietnamien. Il assistait le chef.

La diaspora à la rescousse
Dans cette Hlm, il y avait d’autres familles de réfugiés vietnamiens. Des Vietnamiens vivant à Nantes depuis longtemps ont entendu parler de cette Hlm et ils nous ont rendu visite. Ces visites nous ont permis de tisser des amitiés avec nos compatriotes. Il y a deux amitiés qui ont changé notre vie. L’une avec MmeHuyen, propriétaire d’un magasin d’alimentation sur la rue Paul-Bellamy, chez qui j’ai fait du babysitting pendant un moment quand j’avais 15 ans. Quand MmeHuyen est partie vivre dans une autre ville en 1995, elle a cédé le commerce à ma famille. Nous sommes devenus propriétaires de notre premier magasin comme ça. En 1997, mes parents ont acheté une deuxième épicerie dans le centre-ville. La magasin d’alimentation rue Paul-Bellamy a été transféré à mon cousin qui était parti du Vietnam avec ma famille en 1988. Mes parents ont aussi acheté un autre magasin d’alimentation pour un de mes frères, un tabac-presse pour une autre sœur. Quant à mes sœur et frère nés à Nantes, ils travaillent comme comptable à Bruxelles et vendeur à Nantes.
L’autre amitié que je tiens à raconter, c’est avec M
meBay, appelée affectueusement par les étudiants vietnamiens la Tante Bay. Elle faisait partie des Vietnamiens qui fréquentaient la Hlm. C’est un médecin-chercheur professeur à la faculté de médecine de Nantes. Elle m’a vue, elle avait envie de m’apprendre le français, pour que je puisse rattraper mes camarades de classe. La Tante Bay s’est arrangée pour que je sois admise à l’école Blanche-de-Castille. En plus des heures scolaires, une bonne-soeur me faisait du tutorat pendant une demi-heure tous les jours. Les dimanches, j’allais chez Tante Bay. J’y restais toute la journée, apprendre le français et parler avec elle, bien évidemment en français, pour m’améliorer. J’étais le premier enfant vietnamien aidé par la Tante Bay pour les apprentissages, non seulement du français, mais aussi de toutes les questions qu’un enfant pouvait poser. Après moi, la Tante Bay a aidé beaucoup de Vietnamiens, qu’ils soient réfugiés ou étudiants. Tous les Vietnamiens vivant à Nantes connaissent la Tante Bay. Plus de vingt ans ont passé, je me rends toujours de temps en temps chez elle. Sans cette femme de bon cœur, aurais-je pu être une autre personne, on ne sait pas. Mais je lui suis reconnaissante de ses aides avec beaucoup de respect.
Après la classe de première, j’ai décidé d’arrêter mes études. Le programme me semblait de plus en plus difficile et je me suis découragée. Peu de temps après, j’ai rencontré l’homme de ma vie, lui aussi boat people. Après notre mariage en 1997, je l’ai suivi vivre à Strasbourg pendant trois ans. J’ai été femme du foyer et je suis devenue mère pour la première fois en 1998. Un petit accident professionnel de mon mari nous a ramenés à Nantes en 2000. Notre deuxième fille est née la même année. Mes parents ont décidé de nous laisser gérer l’épicerie dans le centre-ville quelques années plus tard. Les affaires marchent bien, nous avons une clientèle importante composée des Vietnamiens, des Africains et aussi des Français. En 2010, nous avons eu la joie de devenir parents pour la troisième fois, encore une petite fille.
Notre fille aînée est aujourd’hui en première année de médecine. Elle suit un chemin complètement différent du celui de sa grande famille. Comme toute mère, je laisse mes enfants choisir ce qu’ils veulent faire, pourvu qu’ils soient heureux. Mais j’avoue que je serais très heureuse si elle devenait médecin. Nous, on a voyagé dans le grand monde sur un bateau de pêche et on s’est laissé dériver sans être sûrs de rien, sans même une destination précise. Mais pour mes enfants, j’aimerais bien qu’ils puissent voyager également où ils veulent, dans ce grand monde, mais en choisissant leur destin.
»

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